Boris Vian n’a pas eu beaucoup de chance avec le cinéma, sauf une fois

L’Écume des jours, de Charles Belmont, est effectivement une rencontre magique entre deux hommes qui ne se sont pas connus.

Michèle Levieux. L’humanité. 23 juin 2020

L’écrivain mythique auprès de la jeunesse, Boris Vian, n’aura jamais connu le film le plus purement en correspondance avec son œuvre : l’Écume des jours, tourné par Charles Belmont en 1967, et dont le DVD sort enfin ! 

Boris Vian aimait le cinéma, mais le cinéma ne l’aimait pas toujours. L’événement le plus funeste restera sa mort dans une salle de projection de la rue Marbeuf à Paris, le 23 juin 1959. Et pourtant, vingt ans après la sortie de l’Écume des jours chez Gallimard sans grand succès, lorsque Charles Belmont, un réalisateur d’une trentaine d’années dont c’était le premier long métrage, se lance avec témérité et détermination dans l’adaptation de ce roman apparemment irréalisable au cinéma, l’affaire est réussie. Mais ce film d’une fraîcheur et d’un érotisme inouïs, réalisé par une équipe jeune et interprété par des acteurs jeunes (Marie-France Pisier, Sami Frey, Alexandra Stewart, Jacques Perrin, Bernard Fresson), sorti en avril 1968 alors que la jeunesse découvrait depuis quelque temps l’œuvre de Boris Vian, n’a pas attiré le public.

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Plus de cinquante ans ont passé et, comme l’écrivait Vian, « ce sont les choses qui changent » et pas les hommes ni les situations. Comme dans le film de Belmont, aujourd’hui, il y a toujours des mal-logés, des fabricants d’armes, des gens qui manifestent, la maladie qui rôde et des étrangers qui désertent les hôtels de tourisme. Mais, aussi et surtout, il y a de l’amour fou. Et comme l’a déclaré à l’époque le poète Jacques Prévert : « Le roman de Boris Vian est une histoire d’une déchirante tendresse, drôle et folle. Comme la jeunesse… C’est maintenant un film de Charles Belmont, jeune lui aussi, un film à pleurer de sourire et à rire de pleurer. Un film qui ne ressemble pas au roman de Boris comme deux gouttes d’eau ou un frère, un grand-père ou une sœur, mais comme un ami. Un film qui aime l’amour. »

L’Écume des jours, de Charles Belmont, est effectivement une rencontre magique entre deux hommes qui ne se sont pas connus, entre un roman et un film qui n’ont ni la même grammaire ni le même vocabulaire, mais entre deux humeurs éternelles d’amitié, d’amour et d’humour.

L’écume des jours, de Charles Belmont, France, 1 h 46 . Avec, en bonus, #Écume68, un documentaire de Marielle Issartel (43’-2014), et Anatomie d’une collection, de Marielle Issartel (11’-2020). Éditions l’Éclaireur, avec le soutien de Christelle Gonzalo et François Roulmann. Prix : 15,00 euros.