Bons 101 ans, cher Boris Vian !

L’Écume des jours : un éloge de la jeunesse

                                                                                                                                                                  Boris Vian aurait fêté son 101e anniversaire ce mercredi 10 mars. Retour sur la plus belle adaptation d’une de ses œuvres, un bijou joyeux et grave sorti en Mai 68, disponible dans une superbe édition DVD.`Cette restauration, longtemps attendue, permet de redécouvrir un chef-d’œuvre au charme fou.« 

par Pascal Le Duff, Télégramme de Brest, 9 mars 2021

Colin tombe amoureux de Chloé. Les sentiments sont vite partagés, le bonheur semble à leur portée. Le meilleur ami de Colin, Chick,
s’éprend d’Alise qui partage sa passion pour Jean-Sol Partre. Petit à petit, chacun va perdre son innocence car, comme le dit Colin« Les choses changent »…

Le premier long-métrage de Charles Belmont rend un bel hommage au livre de Boris Vian en s’autorisant des chemins de traverse.  La grande liberté de  l’adaptation a été saluée par Jacques Prévert pour qui le cœur du roman est préservé. Après de longues années où le film ne circulait plus que trop rarement, cette restauration, longtemps attendue, permet de redécouvrir un chef-d’œuvre au charme fou. L’esprit est irrévéren- cieux, avec une tonalité solaire d’abord, plus sombre ensuite.

L’humeur d’une époque

Après les premiers moments d’insouciance vient en effet la triste nécessité de gagner sa vie, les tracas du quotidien s’imposant à ces personnages à la fraîcheur communicative. Lorsque la maladie frappe Chloé, l’argent devient le nerf de la guerre, au grand dam de Colin, contraint à des emplois éloignés de ses valeurs. Alise souffre, elle, de l’obsession croissante de Chick pour son auteur fétiche.`

Les comédiens sont tous joliment mis  en  valeur,  chacun avec ses traits bien propres, tout en formant  une  troupe   homogène : le doux Jacques Perrin et la fragile Annie Buron (Colin et Chloé), le nerveux Sami Frey et la vibrante Marie-France Pisier (Chick et Alise), le rugueux mais loyal Ber- nard Fresson et la solide Alexandra Stewart (Nicolas et Isis).

Une empathie évidente

Charles Belmont manifeste une empathie évidente pour ceux qui entrent dans l’âge adulte et ne savent pas comment grandir sans se faner, aussi bien métaphoriquement que concrètement. Cette bienveillance prégnante ne déborde jamais ni dans la mièvrerie, ni dans la futilité. Si Mai 68 n’est évidemment pas  cité,  Charles  Belmont a su saisir l’humeur  de  l’époque, à travers ses observations plus viscérales que littérales sur la pauvreté, le racisme ou l’indifférence aux souffrances. On  est aussi dans une comédie musicale qui ne dit pas son nom, grâce aux mélodies innovantes d’André Hodeir et aux effets électroniques de Pierre Henry qui impriment un côté jazzy à cet éloge mélancolique de la jeunesse, mis en scène avec une grâce rare et un humour iconoclaste.